Les fondamentaux – Chapitre 3 – Radiographie

P.A. Gondim Teixeira et G. Grimon

Plan du chapitre

  1. Introduction
  2. Principes fondamentaux
  3. Détection des rayons X transmis, fabrication de l’image radiographique
  4. Représentation des images
  5. Artefacts et distorsion de l’image
  6. Indications et limites
  7. Conclusion

Objectifs

  • Connaître les principes physiques des radiographies standard.
  • Connaître la base de la formation de l’image radiographique.
  • Connaître les principales indications et les limites de la radiographie par projection.

Introduction

Les radiographies sont réalisées grâce aux rayons X qui sont des photons, particules associées au rayonnement électromagnétique, au même titre que la lumière visible, l’ultraviolet (UV), l’infrarouge, les ondes radio, les micro-ondes ou les rayons γ.
Sans revenir sur la dualité onde-corpuscule, le photon peut être décrit comme une onde électromagnétique, où un champ électrique est couplé à un champ magnétique qui lui est orthogonal, oscillant à la même fréquence, s’engendrant mutuellement et se propageant dans le vide avec une célérité (c) = 3.108 m/s.
Le faisceau de rayons X peut traverser ou interagir avec les différents tissus traversés en fonction de ses propres caractéristiques et de celles du tissu exposé : une fraction du faisceau est arrêtée ou déviée par le tissu (on dit que le faisceau est atténué). Il existe quatre contrastes naturels en imagerie radiologique standard : l’air, la graisse, l’eau et l’os. Des agents de contraste artificiels peuvent également être introduits.
Dans ce chapitre seront présentés les principes de base de la radiographie par projection, la formation de l’image et ses artefacts. Les indications les plus courantes et les limites de la radiographie standard seront ensuite abordées.

Principes fondamentaux

Les radiographies sont réalisées à l’aide d’un appareil à rayons X. Le principe général, en simplifiant à l’extrême, revient à celui des ombres chinoises où une source lumineuse éclaire un objet qui atténue les photons visibles et crée une ombre qui est projetée sur un écran. En réalité, l’atténuation des photons X par les tissus explorés n’est pas en tout ou rien, et on pourrait plutôt prendre l’analogie d’une bobine de cinéma qui atténue plus ou moins la lumière blanche qui la traverse, l’image ainsi formée étant projetée sur un écran récepteur. Ces simplifications permettent de comprendre que l’image finale résulte des propriétés successives de la source de photons, des caractéristiques de la lumière émise, des interactions à l’intérieur de la cible traversée, du type et des propriétés du récepteur, mais aussi des conditions géométriques de l’ensemble.

Présentation de la chaîne de détection

Les composants principaux d’un système d’imagerie utilisant les rayons X sont illustrés sur la figure 3.1.
Le tube à rayons X (tube de Coolidge, encore appelé tube à anode tournante) crée le faisceau de rayons X (figure 3.2). Le principe est le suivant : un faisceau d’électrons est fortement accéléré vers une anode de tungstène. Ces électrons devenus très énergétiques interagissent avec la cible (tant avec ses électrons qu’avec les noyaux), et perdent leur énergie dont une partie est transformée en rayons X. Ce faisceau X émis peut être modulé ensuite par différentes collimations et différents filtrages en sortie de tube.

Figure 3.1 Principaux composants d'une installation permettant la réalisation de radiographies standard (A, B).
Figure 3.1
Principaux composants d’une installation permettant la réalisation de radiographies standard (A, B).
Figure 3.2 Schéma représentatif du tube à rayons X (tube de Coolidge). Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 3.2
Schéma représentatif du tube à rayons X (tube de Coolidge).
Dessin : Cyrille Martinet.

Le faisceau de rayons X traverse d’abord l’air sans modification, puis l’objet étudié (en général le patient, mais ce peut être aussi une pièce anatomique, ou une mire par exemple). Le faisceau y est atténué différemment selon les différentes densités des tissus ; on peut aussi modifier cette atténuation en introduisant des produits de Z élevé dits « de contraste ».

L’effet photoélectrique est responsable de l’atténuation du faisceau incident et de la qualité de l’image radiologique, mais un autre effet, l’effet Compton, intervient également et contribue à la dégradation de cette image. Après avoir traversé le patient, le faisceau atténué constitue l’« image radiante ». Ce faisceau est ensuite capté par un détecteur qui fournit l’image finale. Ces différentes étapes sont détaillées ci-dessous.

Production des rayons X

Première étape : créer un faisceau d’électrons dans une ampoule sous vide

Comme dans le filament « historique » de la lampe à incandescence, un courant électrique très précisément régulé en intensité provoque l’échauffement d’un filament (cathode, généralement en tungstène pour des raisons de solidité à haute température). La chaleur provoque une agitation des électrons, dont une proportion acquiert une énergie suffisante pour être éjectée du filament. L’ordre de grandeur du courant d’électrons émis est de 10 à 20 % de celui du courant de chauffe.

Faisceau d’électrons fortement accélérés vers l’anode génératrice des rayons X

Une tension élevée (40 000 à 150 000 volts, soit 40 à 150 kilovolts [kV]) et parfaitement régulée entre le filament cathodique (négatif) et l’anode (positive) accélère les électrons issus du filament vers l’anode. Les caractéristiques essentielles de ce faisceau d’électrons sont :

  • son intensité en milliampères (mA) (proportionnelle au courant utilisé pour chauffer le filament) et sa durée (en secondes) : le produit (en mA· s) détermine le nombre d’électrons, donc à une charge totale qu’on pourrait théoriquement exprimer en millicoulombs (mC) ;
  • son énergie cinétique (Ec) en kilo-électron-volts (keV) : l’électron acquiert une énergie correspondant à la tension d’accélération (par exemple 150 keV pour une tension d’accélération de 150 kV).

Ces caractéristiques influencent fortement les images radiologiques.

Interactions sur l’anode du tube

Les électrons percutent l’anode au niveau d’une zone appelée foyer. L’anode est un bloc métallique, généralement en tungstène. L’électron incident étant une particule chargée, il interagit de manière « obligatoire » à distance, sans nécessité d’un réel « choc » avec les constituants chargés de la cible. Les interactions électrons-matière se font soit avec les électrons de la cible, soit avec les noyaux :

  • par interaction sur un électron de la cible : l’électron incident repousse et arrache un électron du tungstène hors de sa couche électronique. Il s’ensuit un phénomène de fluorescence : le trou créé est immédiatement comblé par un électron d’une couche périphérique moins lié au noyau, avec émission d’un photon Efluorescence dont l’énergie correspond exactement à la différence d’énergie entre les deux couches, selon un spectre d’émission de raies caractéristique de l’anode ;
  • par interaction sur un noyau du tungstène : le passage de l’électron incident au voisinage du noyau positif génère une force électromagnétique d’attraction. L’électron est freiné, émettant l’énergie perdue en « rayonnement de freinage » (en allemand, « bremsstrahlung »). L’énergie de ce rayonnement X dépend de la distance électron incident-noyau, qui peut être très grande ou très petite ; le spectre X produit est donc un spectre continu. Quand le choc est frontal, toute l’énergie de l’électron incident est rayonnée ; l’énergie maximale des photons émis est donc numériquement égale à la tension d’accélération du tube.

Ces deux types de rayonnement (spectre de raies par fluorescence et spectre continu par freinage) constituent le faisceau initial de rayons X.
Quelle que soit son origine, fluorescence ou freinage, l’émission de rayons X est un phénomène peu fréquent : 99 % de l’énergie mise en jeu se dissipe sous forme de chaleur et 1 % seulement sous forme de rayons X. La chaleur produite est donc importante, entraînant des contraintes technologiques lourdes : choix du tungstène (matériau résistant à la chaleur), anode tournante pour répartir le foyer thermique sur une couronne, constant refroidissement par un bain d’huile circulant.

Trois paramètres utilisés pour régler la qualité et l’intensité du faisceau de rayons X

Ces paramètres sont les suivants :

  • la tension du tube (ou « kilovoltage ») en kV, qui détermine l’énergie du rayonnement X produit (on pourrait dire la qualité des photons X) ;
  • l’intensité électrique (ou « milliampérage ») en mA ;
  • le temps d’exposition en secondes (s).

Les deux derniers paramètres sont le plus souvent réunis par leur produit exprimé en mA·s qui détermine la quantité de photons X produits par seconde.
La gestion optimale assure usuellement le plus petit temps de pose en choisissant l’intensité maximale du courant (en mA) que le tube peut supporter sans dommage.

Aspects géométriques du faisceau

La taille non ponctuelle du foyer d’émission des rayons X engendre un flou géométrique qui altère la qualité de l’image. Ce flou peut être réduit par une diminution de la taille apparente du foyer grâce à une inclinaison plus importante de l’anode par rapport à l’axe de sortie des photons (voir figure 3.2).
Trajet des rayons X entre la cathode et le patient : collimation
La production de rayons X au niveau du foyer est multidirectionnelle ; des rayons X partent donc dans toutes les directions de l’espace. Pour limiter cette diffusion, puisque seul le rayonnement en direction de l’objet étudié est utile, des filtres en plomb (volets) et un blindage en béryllium laissant une fenêtre dans la direction de la cible sont utilisés. Les rayonnements émis dans une autre direction que celle du patient sont ainsi extrêmement atténués.
Entre la sortie du tube et le patient, le trajet des rayons X n’est, comme celui de la lumière, ni atténué ni dévié.

Interaction des rayons X chez le patient

De la même manière qu’au cinéma la pellicule cinématographique arrête plus ou moins la lumière de la lanterne de projection et crée l’image, le corps du patient atténuera plus ou moins le faisceau de rayons X, créant le contraste de l’image radiographique.
Dans le patient, les rayons X interagissent au niveau des électrons de la matière. On observe deux phénomènes sans pouvoir privilégier l’un ou l’autre : l’effet photoélectrique (phénomène à l’origine de la formation des images radiographiques) et la diffusion (effet Compton).

Effet photoélectrique

L’effet photoélectrique se produit quand le photon transfère toute son énergie à un électron (figure 3.3). Celui-ci est arraché de sa couche électronique, à condition que l’énergie du photon soit supérieure à l’énergie de liaison de l’électron. Il est nécessaire que l’électron soit au voisinage immédiat du noyau qui va pouvoir « encaisser » une énergie cinétique de recul ; cela se produit, d’une part, sur les électrons très liés (donc avec une énergie de liaison non négligeable) et, d’autre part, pour des énergies faiblement supérieures à cette énergie de liaison, qui tient l’électron lié au noyau. Comme dans la nature, le volume des atomes varie peu en fonction de Z. Les atomes de Z élevé avec beaucoup d’électrons (par exemple le calcium des os, l’iode d’un produit de contraste) auront beaucoup d’électrons au voisinage du noyau, candidats à cet effet photoélectrique.

Figure 3.3 Schéma démontrant les effets photoélectrique et Compton. A. Effet photoélectrique : un photon X frappe un électron d'une couche profonde de l'atome ; le photon disparaît et l'électron absorbe toute son énergie. B. Effet Compton : un photon X frappe un électron ; une partie de l'énergie du photon entraîne l'expulsion d'un électron d'une couche superficielle et l'ionisation de l'atome ; le photon X résiduel est d'énergie plus faible et subit une déviation de sa trajectoire, pouvant dégrader l'image sur le détecteur. Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 3.3
Schéma démontrant les effets photoélectrique et Compton.
A. Effet photoélectrique : un photon X frappe un électron d’une couche profonde de l’atome ; le photon disparaît et l’électron absorbe toute son énergie. B. Effet Compton : un photon X frappe un électron ; une partie de l’énergie du photon entraîne l’expulsion d’un électron d’une couche superficielle et l’ionisation de l’atome ; le photon X résiduel est d’énergie plus faible et subit une déviation de sa trajectoire, pouvant dégrader l’image sur le détecteur.
Dessin : Cyrille Martinet.

L’électron arraché part avec une énergie cinétique égale à l’énergie du photon X diminuée de l’énergie de liaison ; il sera arrêté en quelques millimètres.
La probabilité d’interaction photoélectrique dépend :
• du milieu, essentiellement de sa densité en électrons, donc du numéro atomique Z des atomes qui le composent. Plus le milieu est dense, plus la probabilité d’effet photoélectrique est importante ; elle est donc plus importante pour l’os que pour les muscles (ou l’eau), la graisse ou l’air (dans l’ordre de probabilité d’interaction décroissante) ;
• de l’énergie des rayons X : les rayons X faiblement énergétiques ont une probabilité d’interaction très supérieure aux autres, à la condition naturellement qu’ils aient une énergie supérieure à l’énergie d’ionisation des couches profondes du noyau cible. Un faisceau de rayons X de faible énergie est donc très fortement atténué dans le patient.
Surtout, la différence d’atténuation (différence entre les coefficients d’atténuation de deux tissus d’atténuation voisine) augmente fortement quand l’énergie des rayons X diminue ; le contraste est alors fortement augmenté (au prix d’une atténuation globale plus importante comme expliqué précédemment). A contrario, des rayons X de haute énergie, dits « durs », sont moins absorbés, mais génèrent une image moins contrastée.

Effet Compton

L’effet Compton se produit quand le transfert d’énergie est partiel, entraînant, d’une part, l’expulsion d’un électron avec une partie de l’énergie et, d’autre part, la diffusion d’un photon d’énergie inférieure à l’énergie initiale selon un angle aléatoire plus ou moins grand (pouvant atteindre 180° ; on dit alors rétrodiffusé). Il n’y a pas d’énergie de recul, donc pas de nécessité d’être proche du noyau ; l’effet Compton se produit ainsi préférentiellement sur les électrons périphériques peu liés, plus nombreux.
Le photon diffusé a plusieurs inconvénients en radiodiagnostic :

  • il peut continuer vers l’avant en direction du détecteur, à l’origine d’un flou des images appelé voile de diffusion ;
  • il peut être fortement diffusé dans une direction hors du champ d’exposition directe. L’opérateur pourra donc recevoir une dose de rayonnement ionisant rétrodiffusé, qui peut également contourner des écrans protecteurs. De la même manière que la lumière d’une seule ampoule éclaire toute une pièce par réflexions, les rayons X diffusés vont irradier l’ensemble de la pièce.

L’effet Compton s’observe avec une probabilité relative plus importante pour des énergies élevées. Aux énergies utilisées en radiodiagnostic, l’effet Compton est quatre à cinq fois plus fréquent que l’effet photoélectrique. À titre d’exemple : une radiographie pulmonaire doit 50 % de sa densité aux photons diffusés, une radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) comporte 90 % de photons diffusés, mais une mammographie à 25 keV, « seulement » 37 %.
Pour limiter l’effet Compton, une grille antidiffusante est utilisée ; il s’agit d’une mince grille constituée de fines lames de plomb de quelques millimètres de largeur et quelques centièmes de millimètres d’épaisseur, disposées parallèlement sur un cadre sur toute la longueur du champ du film radiologique, de telle sorte qu’elles soient orientées vers le tube à rayons X. La majorité du diffusé oblique est arrêtée par l’épaisseur de la lame, au prix de l’atténuation d’une faible proportion des rayons X contribuant à la formation de l’image (compensée par une augmentation des mA ∙ s). Pour éviter les fines lignes noires parallèles correspondant à cette atténuation, le cadre est animé d’un mouvement transversal (grille « Potter », du nom de l’inventeur de cet artifice).
Pour résumer, l’atténuation résulte donc des deux interactions possibles entre les photons incidents et la matière traversée (effet photoélectrique et effet Compton). La probabilité globale d’interaction est appelée « coefficient linéique d’atténuation », et s’exprime comme une probabilité d’interaction (nombre, sans dimension) par unité de distance (généralement en cm–1). Cette atténuation suit une loi exponentielle décroissante fonction de l’épaisseur des tissus traversés par le faisceau.

Influence des paramètres sur la formation de l’image

Pour obtenir une image, l’opérateur peut agir sur deux paramètres modifiant le contraste de l’image :

  • le kilovoltage (kV) (ou tension) : les rayons de basse énergie donnent des contrastes plus visibles mais au prix d’une atténuation globale plus importante ;
  • le produit mA ∙ s (la quantité de photons X produits) : pour un voltage donné et un patient donné, cette quantité conditionne l’exposition correcte du détecteur, la surexposition (image trop noire : trop de photons) ou la sous-exposition (image trop blanche : pas assez de photons).

La figure 3.4 illustre les modifications du contraste chez la même personne en fonction des paramètres utilisés : du même objet, la radiographie peut fournir des images différentes.

Figure 3.4 Deux radiographies de thorax de face prises avec des paramètres différents chez une patiente de 24 ans victime d'un traumatisme. A. Cliché réalisé pour la visualisation des structures osseuses (rachis, gril costal) avec les paramètres d'exposition suivants : 60 kV ; 400 mA ; temps d'exposition : 140 ms. B. Cliché de la même patiente réalisé pour l'évaluation du parenchyme pulmonaire avec les paramètres suivants : 120 kV ; 320 mA ; temps d'exposition : 20 ms. Noter une inspiration différente entre les deux clichés.
Figure 3.4
Deux radiographies de thorax de face prises avec des paramètres différents chez une patiente de 24 ans victime d’un traumatisme.
A. Cliché réalisé pour la visualisation des structures osseuses (rachis, gril costal) avec les paramètres d’exposition suivants : 60 kV ; 400 mA ; temps d’exposition : 140 ms.
B. Cliché de la même patiente réalisé pour l’évaluation du parenchyme pulmonaire avec les paramètres suivants : 120 kV ; 320 mA ; temps d’exposition : 20 ms. Noter une inspiration différente entre les deux clichés.

Influence de la taille du champ exploré

L’effet Compton qui est produit sur un volume exposé entraîne un voile de diffusion sur le détecteur ; l’augmentation de la largeur explorée (outre qu’elle augmente la dose au patient) va également augmenter de manière proportionnelle ces photons diffusés. L’augmentation de la surface explorée (largeur × hauteur) augmente considérablement le Compton, alors que l’effet photoélectrique à l’origine de l’image radiologique est inchangé. Élargir inconsidérément le champ d’exploration de part et d’autre de la structure explorée dégrade l’image finale, augmente la dose au patient, et augmente la dose reçue professionnellement par tous les opérateurs présents.

Détection des rayons X transmis, fabrication de l’image radiographique

Les images sont obtenues par l’exposition d’un système de détection au faisceau de rayons X après traversée de la cible.

Films photographiques et couple écran renforçateur-film

Historiquement, les films radiographiques étaient fabriqués avec des microcristaux de sels d’argents ioniques Ag+ qui étaient réduits en Ag0 sous l’effet des électrons arrachés par les rayons X. Comme en photographie conventionnelle, on utilisait ensuite le processus chimique photographique (amplification par un révélateur, fixateur, lavage des Ag+) pour révéler l’image jusque-là latente. On voyait alors un noircissement du film, dû à l’apparition de grains d’argent métal, partout où il avait été exposé par les rayons X. C’est pourquoi les régions situées derrière un matériau atténuant, comme l’os, apparaissant blanches sur le film, ont été appelées « opacités » (opaques aux rayons X), tandis que les régions noires peu atténuantes ont été appelées « clartés » (les rayons X passent à travers).
La sensibilité des films photographiques était très faible, de l’ordre de quelques pourcents. Elle a été secondairement améliorée par l’adjonction d’un « écran renforçateur », couches de sels fluorescents à Z élevé situées de part et d’autre du film, qui arrêtent d’avantage les rayons X et les convertissent en photons lumineux qui impressionnent les sels d’argent. L’intensification est de × 10 à × 20 au prix d’une petite perte de netteté.
L’utilisation de ces systèmes est quasi abandonnée compte tenu des possibilités limitées de post-traitement des images obtenues, de la nécessité de consommables (films, solutions de traitement peu écologiques), du prix des sels d’argent, ainsi que des difficultés de stockage et de conservation des radiographies.
Ils sont remplacés par les détecteurs non argentiques dont quatre types sont présentés ci-dessous.

Écran radioluminescent à mémoire (computed radiography [CR])

Dans ce système, le film est remplacé par un écran photostimulable qui conserve pendant plusieurs heures les modifications provoquées par l’exposition aux rayons X. Après exposition aux rayons X, il existe sur la plaque photostimulable une image dite « latente » qui sera ensuite révélée par le balayage d’un faisceau laser, créant d’emblée une image numérisée. Ce système est largement utilisé car il est peu coûteux.

Capteurs plans (digital radiography [DR])

Dans ce système, les rayons X sont détectés par les interactions qu’ils créent dans un détecteur soit directement sur un circuit imprimé de silicium (CMOS comparable à celui d’un appareil de photographie numérique), soit indirectement après scintillation sur un cristal de Z élevé, donc de rendement meilleur. Le signal résultant est un signal électrique. Ce type de système est très sensible aux photons X, ce qui permet de réduire de façon significative la dose délivrée au patient. L’utilisation des capteurs plans permet aussi la réalisation de techniques comme la double énergie et la tomosynthèse, augmentant ainsi la performance diagnostique des radiographies (mais systèmes assez coûteux).

Amplificateur de luminance et télévision en circuit fermé

Les rayons X sont détectés par un écran fluorescent qui est vu par une caméra « classique » de type caméra de télévision. Ce système, en plus de réaliser des radiographies statiques, est capable de produire des images successives en temps réel à une cadence permettant la visualisation du mouvement sans scintillement, ni rémanence (en pratique, 25 images ou 50 images/seconde). Les amplificateurs de luminance sont souvent utilisés pour guider les gestes en radiologie interventionnelle.

Système EOS

Ce système s’appuie sur la haute sensibilité d’un détecteur gazeux au xénon sous pression inventé par Georges Charpak (dérivé de la chambre à fils de la recherche nucléaire qui lui valut le prix Nobel de physique en 1992). Les ionisations créées dans un gaz sont amplifiées dans un champ électrique élevé, et détectées sur des pistes conductrices gravées à l’échelle du micron sur les parois du détecteur. Ces détecteurs de haute sensibilité permettent la réalisation de radiographies à très basse dose. Dévolu à l’exploration rachidienne et des membres inférieurs (E pour électron, OS pour os), le système réalise simultanément deux images orthogonales. L’acquisition des images se fait sur un patient débout, permettant ainsi une évaluation de la statique rachidienne dans des conditions physiologiques. Une modélisation en 3D du squelette peut ensuite être calculée par le système, permettant de réduire encore la dose d’exposition aux rayonnements ionisants en se « contentant » de l’information suffisante pour guider le modèle.

Représentation des images

Avec la généralisation des détecteurs numériques, les radiographies ne sont plus lues sur des négatoscopes, mais sur des écrans d’ordinateur. Les radiographies sont des images représentées en échelle de gris selon le même codage que celui des anciens films argentiques. Elles sont composées par des opacités et des lignes qui représentent une projection de la cible sur un plan, le détecteur. Les différents degrés d’opacités d’une radiographie dépendent de l’énergie du faisceau de rayons X, de la composition (numéro atomique) du tissu évalué et de l’épaisseur de la cible. Les différences du nombre et de la qualité des photons X qui arrivent au système de détecteurs sont responsables du contraste de l’image. Le contraste en radiographie standard peut être défini par la différence entre les opacités et les transparences d’une image (figure 3.5).

Figure 3.5 Formation de l'image radiographique. A. Effet de la différence de densité des matériaux. Une cible avec trois composants de densités différentes et d'épaisseurs identiques est exposée à un faisceau de rayons X. L'épaisseur des flèches violettes représente l'intensité du faisceau ayant traversé la cible. Noter la relation inversement proportionnelle entre la densité et l'intensité du faisceau transmis. B. Effet de la différence d'épaisseur. Une cible de densité homogène mais d'épaisseur variable est traversée par un faisceau de rayons X. L'épaisseur des flèches violettes représente l'intensité du faisceau de rayons X après traversée de la cible. Noter la relation inversement proportionnelle entre l'épaisseur de la cible et l'intensité du faisceau transmis. Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 3.5
Formation de l’image radiographique.
A. Effet de la différence de densité des matériaux. Une cible avec trois composants de densités différentes et d’épaisseurs identiques est exposée à un faisceau de rayons X. L’épaisseur des flèches violettes représente l’intensité du faisceau ayant traversé la cible. Noter la relation inversement proportionnelle entre la densité et l’intensité du faisceau transmis.
B. Effet de la différence d’épaisseur. Une cible de densité homogène mais d’épaisseur variable est traversée par un faisceau de rayons X. L’épaisseur des flèches violettes représente l’intensité du faisceau de rayons X après traversée de la cible. Noter la relation inversement proportionnelle entre l’épaisseur de la cible et l’intensité du faisceau transmis.
Dessin : Cyrille Martinet.

Pour une énergie donnée des rayons X, cela se traduit en image inversée de la façon suivante : plus la densité du tissu est élevée, plus le faisceau incident sera atténué, moins le détecteur sera impressionné ; l’image sur le détecteur apparaîtra blanche (peu modifiée par l’image radiante). On dit qu’elle est opaque (aux rayons X), radio-dense ou dense. Au contraire, plus la densité du tissu est faible, moins le faisceau incident sera absorbé, plus le détecteur sera impressionné par l’image radiante ; l’image sera noire. On dit qu’elle est claire ou radiotransparente.
La description des radiographies utilise donc la terminologie suivante :

  • image opaque/radiodense ;
  • image claire/radiotransparente.

En radiographie standard, les densités radiographiques peuvent être classifiées de façon schématique en quatre types présentés ci-dessous en densité croissante (figure 3.6) :

  • aérique-gazeuse (par exemple poumon, gaz intestinal) ;
  • graisseuse (par exemple tissu sous-cutané) ;
  • hydrique (par exemple muscle, reins, foie) ;
  • calcique (par exemple os).
  • à part, les pièces métalliques (pacemaker) ou le matériel prothétique généralement plus dense que les os.
Figure 3.6 Les différentes atténuations en radiographie. A. Un tube à essai contenant de la craie, de l'eau, de l'huile et de l'air a été radiographié pour illustrer les quatre atténuations correspondantes en radiographie : calcique, hydrique, graisseuse et aérique. B. Exemple des quatre atténuations visibles sur la radiographie d'avant-bras et de main d'un enfant de 2 ans. Les muscles, les cartilages, les capsules et les ligaments ont la même atténuation, celle de l'eau, ce qui ne permet pas de les distinguer les uns des autres en radiographie.
Figure 3.6
Les différentes atténuations en radiographie.
A. Un tube à essai contenant de la craie, de l’eau, de l’huile et de l’air a été radiographié pour illustrer les quatre atténuations correspondantes en radiographie : calcique, hydrique, graisseuse et aérique.
B. Exemple des quatre atténuations visibles sur la radiographie d’avant-bras et de main d’un enfant de 2 ans. Les muscles, les cartilages, les capsules et les ligaments ont la même atténuation, celle de l’eau, ce qui ne permet pas de les distinguer les uns des autres en radiographie.

Le tissu adipeux présente une basse densité, composé par des atomes de faible numéro atomique, pouvant donc être traversé sans interaction par un grand nombre de photons (faible absorption). Inversement, le tissu osseux minéralisé est composé par des cristaux de phosphates de calcium au numéro atomique élevé et sera donc traversé par un nombre relativement faible de photons (grande absorption). Le contraste est fondamental pour la formation et pour l’interprétation des radiographies. Par exemple, un nodule pulmonaire tissulaire entouré de parenchyme pulmonaire aéré, normal, est visible en radiographie standard. En revanche, le même nodule dans une zone de poumon non aéré peut ne pas être visible (figure 3.7).

Figure 3.7 A. Radiographie du thorax de face. Un nodule pulmonaire de contours lobulés est visible dans le tiers inférieur du poumon droit (flèche). Ce nodule est visible car il est plus opaque que le parenchyme pulmonaire aéré qui l'entoure. B. Radiographie du thorax de face chez un patient présentant une réduction importante de la transparence du champ pulmonaire droit en rapport avec une pneumopathie et un volumineux épanchement pleural. Noter que, dans ce contexte, un nodule de caractéristiques similaires à celui de la figure A ne serait pas visible car sa densité est la même que celle de l'épanchement et du foyer de pneumopathie. Les deux opacités pleuro-pulmonaire et du nodule sont de densités hydriques identiques et se superposent : ces opacités sont indissociables (c'est le signe de la silhouette).
Figure 3.7
A. Radiographie du thorax de face. Un nodule pulmonaire de contours lobulés est visible dans le tiers inférieur du poumon droit (flèche). Ce nodule est visible car il est plus opaque que le parenchyme pulmonaire aéré qui l’entoure.
B. Radiographie du thorax de face chez un patient présentant une réduction importante de la transparence du champ pulmonaire droit en rapport avec une pneumopathie et un volumineux épanchement pleural. Noter que, dans ce contexte, un nodule de caractéristiques similaires à celui de la figure A ne serait pas visible car sa densité est la même que celle de l’épanchement et du foyer de pneumopathie. Les deux opacités pleuro-pulmonaire et du nodule sont de densités hydriques identiques et se superposent : ces opacités sont indissociables (c’est le signe de la silhouette).

L’autre composant fondamental des images radiographiques correspond aux lignes et contours. La formation des lignes et des contours sur un cliché radiographique est régie par la loi des tangentielles : un trait prend naissance sur une image radiographique lorsque le faisceau de rayons X aborde tangentiellement la surface d’une structure opaque ou l’interface séparant deux structures d’opacités différentes (figure 3.8). L’aspect d’un objet en radiographie standard est donc fortement dépendant de la direction du faisceau de rayons X et de la position de l’objet cible.

Figure 3.8 Schéma démontrant l'influence de la loi des tangentielles. Le même objet dans la même position est exposé à deux faisceaux de rayons X de directions différentes (A et B). Les lignes formées dans l'image de cet objet sont différentes. Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 3.8
Schéma démontrant l’influence de la loi des tangentielles.
Le même objet dans la même position est exposé à deux faisceaux de rayons X de directions différentes (A et B). Les lignes formées dans l’image de cet objet sont différentes.
Dessin : Cyrille Martinet.

Le contraste spontané des tissus en radiographie standard est parfois insuffisant pour permettre la visualisation de certaines structures. L’utilisation des produits de contraste à base d’iode ou de baryum (éléments à numéros atomiques élevés) modifie le contraste radiographique en atténuant le faisceau de rayons X de façon plus importante que les tissus non calcifiés. Les produits de contraste iodés sont plus souvent utilisés pour des applications digestives, urinaires ou vasculaires. Les produits de contraste barytés sont le plus souvent utilisés pour visualiser (on dit opacifier) la lumière de l’appareil digestif. Comme pour tous les médicaments, il existe des contre-indications à l’utilisation des produits de contraste : l’insuffisance rénale ou l’allergie à des produits de contraste iodés.

Artefacts et distorsion de l’image

Différents éléments géométriques doivent être considérés lors de l’interprétation d’une radiographie : la projection planaire, l’agrandissement et le flou de l’image, la distorsion géométrique, la superposition et la sommation des structures explorées.

Projection planaire

La radiographie standard projette sur le plan du détecteur des informations provenant du volume traversé par le faisceau X. Puisqu’un objet tridimensionnel est représenté par une image bidimensionnelle, seules la largeur et la longueur des objets peuvent être évaluées. La profondeur n’est pas accessible sur un cliché radiographique unique et il est donc nécessaire de réaliser au moins deux projections différentes (on parle d’incidences), souvent orthogonales, pour pouvoir se représenter un objet dans les trois plans de l’espace figure 3.9).

Figure 3.9 Radiographies du genou d'un patient se plaignant de douleurs antérieures du genou. A. Radiographie de face montrant une image opaque d'allure calcique projetée sur le tibia proximal (flèche). Il est impossible de savoir sur ce cliché à quelle profondeur se situe l'image calcique et de préciser si elle est intra-osseuse ou dans les parties molles : la possibilité d'une tumeur osseuse ne peut pas être exclue. B. Radiographie de profil du même patient montrant une projection superficielle de l'image calcique (flèche). Cette image est extra-osseuse et localisée en projection de la bourse infrapatellaire superficielle : il s'agissait d'une bursite chronique (inflammation chronique d'une bourse séreuse) chez un carreleur, liée à la position répétée à genoux.
Figure 3.9
Radiographies du genou d’un patient se plaignant de douleurs antérieures du genou.
A. Radiographie de face montrant une image opaque d’allure calcique projetée sur le tibia proximal (flèche). Il est impossible de savoir sur ce cliché à quelle profondeur se situe l’image calcique et de préciser si elle est intra-osseuse ou dans les parties molles : la possibilité d’une tumeur osseuse ne peut pas être exclue.
B. Radiographie de profil du même patient montrant une projection superficielle de l’image calcique (flèche). Cette image est extra-osseuse et localisée en projection de la bourse infrapatellaire superficielle : il s’agissait d’une bursite chronique (inflammation chronique d’une bourse séreuse) chez un carreleur, liée à la position répétée à genoux.

Agrandissement et flou

Comme dans toutes les méthodes d’imagerie en projection, l’agrandissement de l’image est par construction géométrique fonction de la distance entre la source des rayons X et la cible, ainsi que la distance entre la cible et le système de détection. Par ailleurs, le flou de l’image est proportionnel à l’agrandissement ; c’est le même effet que quand nous regardons l’ombre de notre main sur un mur : au fur et à mesure que nous éloignons notre main du mur, le flou de l’ombre augmente (figure 3.10). Pour réaliser une radiographie, le patient doit donc être positionné aussi loin que possible du tube et aussi près que possible du capteur. Une autre source de flou dans l’image est le flou cinétique lié aux mouvements du patient (ou des organes, par exemple le bord du cœur) pendant l’acquisition, entraînant une perte de netteté de l’image. Les acquisitions avec un temps d’exposition long (permettant une analyse fine de la texture des tissus) sont particulièrement sensibles à ce type d’artefact (figure 3.11).

Figure 3.10 Influence de l'agrandissement et du flou dans l'image radiographique. Photographies sans modification d'échelle de l'ombre d'une main interposée entre le mur et une source de lumière. A. La main est positionnée proche de la source de lumière et loin du mur. B. La main est positionnée plus loin de la source de lumière et plus proche du mur. Noter que l'image A est plus grande, mais moins contrastée et plus floue que l'image B.
Figure 3.10
Influence de l’agrandissement et du flou dans l’image radiographique.
Photographies sans modification d’échelle de l’ombre d’une main interposée entre le mur et une source de lumière. A. La main est positionnée proche de la source de lumière et loin du mur.
B. La main est positionnée plus loin de la source de lumière et plus proche du mur. Noter que l’image A est plus grande, mais moins contrastée et plus floue que l’image B.
Figure 3.11 Mammographies (radiographies des seins) centrées sur la même région anatomique. A. La patiente a bougé pendant l'acquisition de l'image. B. L'examen a été répété et l'image est de bonne qualité. Il existe une image de niveau liquidien-huileux (têtes de flèche) et des calcifications parenchymateuses. Le niveau liquidien dans l'image est nettement plus flou en A qu'en B (flèche en pointillés), de même que certaines calcifications (flèches). L'architecture du parenchyme mammaire est aussi plus floue dans l'image A. L'image avec le niveau correspondait à une galactocèle (rétention lactée dans un conduit lactifère dilaté).
Figure 3.11
Mammographies (radiographies des seins) centrées sur la même région anatomique.
A. La patiente a bougé pendant l’acquisition de l’image.
B. L’examen a été répété et l’image est de bonne qualité. Il existe une image de niveau liquidien-huileux (têtes de flèche) et des calcifications parenchymateuses. Le niveau liquidien dans l’image est nettement plus flou en A qu’en B (flèche en pointillés), de même que certaines calcifications (flèches). L’architecture du parenchyme mammaire est aussi plus floue dans l’image A. L’image avec le niveau correspondait à une galactocèle (rétention lactée dans un conduit lactifère dilaté).

Distorsion géométrique

La distorsion géométrique apparaît en fonction de la position de l’objet par rapport au faisceau de rayons X : plus l’objet est oblique, plus la distorsion de sa forme est importante. De même, plus le rayon directeur (orientation du centre du faisceau de rayons X) est oblique par rapport au plan du système de détection, plus l’effet de distorsion géométrique sera présent dans l’image (figure 3.12).

Figure 3.12 Bilan radiographique d'une épaule. A. Incidence de face en rotation interne de l'épaule droite, avec une inclination caudale (vers le bas) de 20° du rayon incident. B. Incidence de la même épaule réalisée avec une inclination caudale de 45° par rapport à l'horizontale du rayon incident (dite de Garth) ; cette incidence permet de dégager le bord antéro-inférieur de la glène. Noter la distorsion géométrique de la tête humérale sur l'incidence de Garth qui apparaît oblongue par rapport à l'incidence de face.
Figure 3.12
Bilan radiographique d’une épaule.
A. Incidence de face en rotation interne de l’épaule droite, avec une inclination caudale (vers le bas) de 20° du rayon incident. B. Incidence de la même épaule réalisée avec une inclination caudale de 45° par rapport à l’horizontale du rayon incident (dite de Garth) ; cette incidence permet de dégager le bord antéro-inférieur de la glène. Noter la distorsion géométrique de la tête humérale sur l’incidence de Garth qui apparaît oblongue par rapport à l’incidence de face.

Superposition et sommation des images

Figure 3.13 Signe de la silhouette. Les radiographies de face du thorax (A, B) montrent une zone de perte de la transparence du parenchyme pulmonaire dans la projection du lobe inférieur gauche (cercles rouges) compatible avec une pneumopathie. Noter que, dans l'image A, les contours cardiaques (VG) sont effacés à gauche, notamment au niveau de l'apex (flèche blanche), tandis que, dans l'image B, les contours cardiaques sont bien visibles malgré la présence de l'opacité pulmonaire (flèche vide). Il est donc possible d'affirmer que, dans l'image A, le foyer de pneumopathie est localisé dans la portion antérieure du lobe inférieur gauche ; le bord du cœur (de densité liquidienne) n'est plus visible. L'opacité siège donc dans le même plan que le cœur. Puisque celui-ci est en avant dans le thorax, l'opacité est antérieure. Dans l'image B, le foyer de pneumopathie est postérieur car le bord du cœur reste visible ; celui-ci n'est donc pas dans le même plan.
Figure 3.13
Signe de la silhouette.
Les radiographies de face du thorax (A, B) montrent une zone de perte de la transparence du parenchyme pulmonaire dans la projection du lobe inférieur gauche (cercles rouges) compatible avec une pneumopathie. Noter que, dans l’image A, les contours cardiaques (VG) sont effacés à gauche, notamment au niveau de l’apex (flèche blanche), tandis que, dans l’image B, les contours cardiaques sont bien visibles malgré la présence de l’opacité pulmonaire (flèche vide). Il est donc possible d’affirmer que, dans l’image A, le foyer de pneumopathie est localisé dans la portion antérieure du lobe inférieur gauche ; le bord du cœur (de densité liquidienne) n’est plus visible. L’opacité siège donc dans le même plan que le cœur. Puisque celui-ci est en avant dans le thorax, l’opacité est antérieure. Dans l’image B, le foyer de pneumopathie est postérieur car le bord du cœur reste visible ; celui-ci n’est donc pas dans le même plan.

 

La projection de plusieurs structures sur un plan bidimensionnel entraîne une superposition de différentes opacités, lignes et de différents contours. Quand deux structures de densité identique sont localisées dans deux plans différents, leurs contours sont conservés ; en revanche, quand elles se localisent dans le même plan, elles perdent leurs contours et les images sont confondues. Cette description est communément appelée « signe de silhouette » (figure 3.13 et voir figure 3.7).

Indications et limites

Quelques indications fréquentes des radiographies standard sont présentées dans cette section.

Radiologie ostéoarticulaire

Le tissu osseux a un haut contraste spontané en radiographie standard dû à sa densité, permettant une analyse fine de l’architecture et des contours osseux. Les radiographies standard restent donc l’examen de première intention pour l’évaluation des affections osseuses ou articulaires constitutionnelles, dégénératives, inflammatoires, néoplasiques et traumatiques (voir chapitre 22).
Radiologie thoracique
Le cliché du thorax de face est la base d’une prise en charge d’une affection thoracique. À cause de la dose plus importante qu’il génère, le cliché de profil est exceptionnellement réalisé ; l’analyse du cliché de face étant, en règle générale, suffisante au diagnostic (voir chapitre 25).

Radiologie digestive

Les clichés simples de l’abdomen ou abdomens sans préparation (ASP) ne conservent que quelques indications limitées (recherche de corps étranger ou de calculs rénaux). Par ailleurs, la diffusion de l’endoscopie digestive et des examens tomodensitométriques explique en partie la réduction des examens avec opacifications digestives (voir chapitre 27).
Sénologie
Les mammographies (radiographies des seins) font partie du programme de dépistage national du cancer du sein et sont donc largement réalisées en pratique clinique (voir chapitre 29).

Radiologie interventionnelle

Les radiographies par projection sont fréquemment utilisées pour le guidage d’un grand nombre de procédures interventionnelles (voir chapitre 15). Injections intra-articulaires, biopsies osseuses, traitement percutané de tumeurs par chauffage ou congélation (dite « ablation percutanée ») sont généralement réalisés sous contrôle fluoroscopique qui permet une visualisation durant la procédure du geste réalisé. Les procédures interventionnelles réalisées sur les parties molles sont moins susceptibles de s’adapter à un guidage fluoroscopique et, pour ce type d’intervention, le guidage échographique ou TDM est préférable.

Vasculaire

La radiographie par projection est le moyen de repérage anatomique des vaisseaux dans les salles d’angiographie ; le vaisseau est opacifié à l’aide d’un produit de contraste iodé permettant de visualiser l’arborescence vasculaire. La radiographie interventionnelle concerne pratiquement tous les organes, notamment le cœur, le cerveau, l’appareil digestif, les affections traumatiques, tumorales etc. Compte tenu de leur complexité, certaines de ces procédures sont longues et sont une source importante d’irradiation pour le patient et les opérateurs. Leur champ d’application est vaste ; par exemple la dilatation des sténoses vasculaires, la fulguration de foyers arythmogènes, la chimio-embolisation ou la radio-embolisation des tumeurs, la fermeture de vaisseaux anormaux (varicocèles) ou l’interruption d’un saignement actif.

Conclusion

La radiographie par projection reste largement utilisée en imagerie médicale. Dans un contexte d’innovation technologique rapide en imagerie médicale, avec la mise à disposition de nouvelles techniques d’imagerie avancée (IRM, TEP, TDM de nouvelle génération, cone beam, tomoscintigraphie, échographie, etc.), la radiographie par projection pourrait paraître obsolète. De fait, une large partie des indications classiques a disparu, substituée par ces autres techniques d’imagerie. Cependant, de nombreuses indications de radiographies restent d’actualité, dont la radiographie thoracique et ostéoarticulaire. Par ailleurs, la radiographie par projection continue, elle aussi, de progresser, en particulier grâce aux images numériques, aux capteurs plans, au système EOS et à la tomosynthèse. Cela conduit au développement de nouvelles indications comme l’évaluation de la statique rachidienne en EOS. La radiographie est également utilisée pour guider des procédures interventionnelles dont les applications sont en expansion.

Remerciements

Nous tenons à remercier le professeur Denis Régent pour l’aide dans la révision et l’édition de ce manuscrit.

Essentiel à retenir

  • Un système de radiologie utilisant les rayons X emploie un tube radiogène à anode tournante et cathode chaude (tube de Coolidge) permettant de créer un faisceau de rayons X.
  • L’atténuation du faisceau de photons X est le principal phénomène physique intervenant dans la formation des images radiographiques. Elle dépend du numéro atomique des atomes du tissu exposé et de l’énergie du faisceau de rayons X utilisé.
  • Plus la densité du tissu exploré est basse et plus l’énergie du faisceau de rayons X émergeant est élevée, plus l’atténuation sera faible, conduisant à une plage plus noire ou radiotransparente. Plus la densité du tissu exploré est élevée et plus l’énergie du faisceau de rayons X émergeant est faible, plus l’atténuation sera importante, conduisant à une plage plus blanche ou radio-opaque sur l’image.
  • Les radiographies par projection sont des images en échelle de gris, composées par des opacités, des lignes et des contours.
  • Un trait prend naissance sur une radiographie lorsque le faisceau de rayons X aborde tangentiellement la surface d’une structure opaque ou l’interface séparant deux structures d’opacité différente.
  • Un meilleur contraste est obtenu en diminuant les kV, au prix d’une atténuation globale supérieure obligeant à augmenter les mA, donc l’exposition du patient. La réduction de la dose au patient se fait soit en diminuant l’intensité du faisceau incident, soit en augmentant l’énergie des rayonnements au risque de diminuer le contraste.
  • La diffusion Compton augmente pour des énergies de rayons X (en keV) plus élevées, et des champs d’exploration du patient plus larges ; elle dégrade l’image radiologique et provoque une diffusion dans l’ensemble de la pièce d’exploration.
  • Il est nécessaire de réaliser au moins deux projections à différentes incidences (si possible orthogonales) pour pouvoir localiser un objet dans les trois dimensions de l’espace.
  • Plus l’orientation du faisceau de rayons X par rapport au plan de référence du patient (angle d’incidence) ou par rapport au plan du système de détection (angle de projection) sera grand, plus l’effet de distorsion géométrique dans l’image sera grand.
  • Une radiographie entraîne un agrandissement lié à l’effet de projection.

Bibliographie

  • Peyret O, Bergot C. L’imagerie par rayons X. In: Biophysique pour les sciences de la vie et de la santé. Omniscience Ed ; 2007. p. 79–813.
  • Régent D, Mandry D, Croise-Laurent V, et al. Production des rayons X en imagerie par projection et en scanographie. In: EMC – Radiologie et imagerie médicale – principes et technique – radioprotection. Elsevier ; 2013.
  • Wybier M, Bossard P. Musculoskeletal imaging in progress : the EOS imaging system. Joint Bone Spine 2013 ;80(3):238–43.

 

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